Promethea
Pour clôturer notre cycle « Harry Potter » je vais vous parler non plus d’un mais d’une apprentie magicienne sortie de l’imagination du scénariste-enchanteur Alan Moore. A l’origine, quand « Promethea » & le label ABC sont sortis le public nourrissait pourtant une certaine inquiétude. Alan Moore sortait Alors de chez Awesome, et tout le monde craignait un peu que « Tom Strong », « Promethea » & Top Ten » ne soient que des recyclages de ses travaux avortés sur « Supreme », Glory » & « Youngblood ». Promethea n’a pourtant rien à voir avec Glory ; elle est totalement affranchie des références à Wonder Woman qui font le charme des « Glory ».
Promethea est en fait une muse. Elle naît au cinquième siècle après JC à Alexandrie. Son père meurt alors qu’elle est très jeune lui léguant ses pouvoirs. A travers les siècles, elle vient nourrire l’imagination d’hommes et reprends vie à travers la personne qui les inspires. Sophie Bangs enquête sur la redondance du nom de la guerrière Promethea que l’on retrouve dans des poèmes du XVIIIème, des pulps des années 20 ou dans le comicstrip « Littlle Margie in Misty MagicLand ». (A noter : ce Strip très inspiré du Little Nemo de Winsor Mc Key fut mis en images dans le ABC Special par Steve Moore & Eric Shanower.)
Son enquête l’amène à rencontrer Barbara Shelley, la veuve du dernier auteur en date à avoir utiliser le personnage de Promethea. L’étudiante en fouillant le passé de Promethea attire l’attention du temple, une organisation qui la pourchasse à travers les siècles. Promethea n’est autre que Barbara Shelley, mais elle se cache car privé de l’imagination de son mari, son lien avec Promethea s’amenuise. Son combat pour sauver Sophie la laissera gravement blessée mais elle explique à cette dernière comment évoquer Promethea. Sophie commence alors à écrire un poème à la gloire de Promethea et celle-ci la prend alors comme nouvel ôte.
Sophie et Promethea ne sont pas deux être à parts puisque Promethea se nourrit de l’imagination de Sophie. Cette nouvelle Promethea doit désormais apprendre à découvrir l’histoire de ces prédécesseurs dans l’Immateria où ils résident après leur mort. Ce périple occupe les épisodes 3 à 7 ; on y découvre les précédents avatars du personnage qui viendront lui prêter main forte pour vaincre ses ennemis au Numéro 8. Cet épisode se solde par la mort de Barbara. Sophie est désormais l’unique Promethea.
Apres un épilogue magnifique ou Promethea dissout le temple en dissipant la peur séculaire que les membres de cette secte perpétuent de génération en génération ; Les trois épisodes suivants sont plus laborieux. Techniquement c’est toujours sublime mais privé de ligne directrice la série semble beaucoup plus verbeuse. Les trois derniers épisodes publiés (13 à 15) redeviennent passionnant en renouant avec une nouvelle Storyline. Après avoir appris ce qu’est le pouvoir de la magie Sophie retourne dans l’Immateria pour annoncer son intention de suivre, Barbara partie retrouver son mari du coté des morts. Pendant ce temps c’est Grace, la Promethea des années 20 qui veillera sur la terre en investissant le corps de Stacia la meilleure amie & confidente de Sophie.
L’intérêt de Promethea repose autant dans les graphismes de J.H. Williams III & Mick Gray que dans les scénarios d’Alan Moore. Cette équipe artistique avait déjà prouvé son talent sur l’excellente série « Chase » mais « Promethea » leur permet de faire exploser tout ça puissance à travers des mises en page baroques. Chaque page est une œuvre unique et l’on ne revoit jamais une même présentation deux fois. Les cases sont systématiquement intégrées dans un tableau plus grand qui reflète l’ambiance de la scène.
Promethea n’est pas une série facile à lire. C’est de très loin plus complexe comme storytelling que « Tom Strong » ou « Top Ten ». C’est très littéraire dans la forme ; le mysticisme omniprésent fait de Promethea, un véritable recueil de poème dans le quel on trouve lecture après lecture de nouvelles résonances. Il ne faut pas lire Promethea à contre-cœur, il faut être dans un certain état d’esprit pour se laisser porter par cette œuvre unique.
Vous l’aurez compris Promethea es un chef d’œuvre que je ne vous conseillerais jamais assez de lire soit en VO chez Wildstorm, soit en VF dans la collection « Semic Books ». Moore y témoigne de son talent unique de narrateur ; mais à sa maîtrise parfaite de la forme il ajoute ici un sens de l’onirisme digne d’un Neil Gaiman. Promethea est de très loin ce qui existe de plus proche de la perfection dans la production actuelle de comics.