The Authority
Imaginez un monde où un groupe de super-héros s’érigent en gardien, au dessus des lois en piétinant celles des hommes et en ne répondant qu’a leurs propres critères moraux… Tel est le monde de THE AUTHORITY.
La série STORMWATCH s’était éteinte à la fin du volume 2 en raison de la lassitude de Warren ELLIS qui ne voyait plus quoi faire vivre -subir serait plus juste- à ses personnages. A l’issue d’une rencontre sanglante avec les Aliens -oui les chtites bébêtes à Sigourney WEAVER- l’ONU avait dissout le programme STORMWATCH, laissant ces soldats de la paix sans but ni sens à donner à leur vie…
Un seul terme peut décrire le travail de Warren ELLIS sur THE AUTHORITY : démesure. Warren ELLIS s’était plaint de se sentir à l’étroit dans le cadre étriqué de STORMWATCH et qu’il rêvait de s’en affranchir. D’un carcan, d’une camisole de force, notre vénéré Grand Breton s’est retrouvé livré au monde…
Imaginez un croisement entre ID4, Matrix pour la démesure des situations dialogué par Quentin TARENTINO, et vous aurez une idée assez précise de ce qu’est THE AUTHORITY. Mélange relevé voire indigeste dans certains cas… Warren ELLIS va dynamiter toutes les conventions du comics en proposant des scénarii que l’on a plus l’habitude de voir sur grand écran que dans les pages de nos fascicules préférés.
Warren ELLIS va tout d’abord nous concocter une équipe de Hardboiled, de durs à cuire composée en partie de rescapés de STORMWATCH (Jack HAWKSMOORE, FLINT, APPOLO, MIDNIGHTER) et de personnages de son cru comme THE ENGINEER et surtout, surtout THE DOCTOR, le Shaman de l’équipe. Ce personnage est à lui seul un condensé du désordre mental régnant chez Warren ELLIS… Auriez vous imaginé un instant ,chers auditeurs, qu’un héroïnomane puisse devenir THE DOCTOR, l’ultime shaman terrien ?
Dés les premiers numéros, Warren ELLIS définit les bases de cette série en érigeant l’équipe comme protecteur de l’humanité, sans qu’aucune loi ne puisse s’opposer à eux et intervenant comme bon lui semble, contre les ennemis qu’ils ont eux même désignés (tout rapport avec l’actualité récente est totalement fortuit…). S’ils veulent rendre le monde meilleur, on peut toutefois s’interroger sur les moyens employés. Ce thème avait déjà été abordé dans le comics au travers des écrits d’Alan MOORE (The Watchmen et V for Vendetta) ainsi que chez Marvel dans la maxi-série The Squadron Suprème. Néanmoins, on peut regretter que la réflexion de Warren ELLIS soit aussi superficielle, car, in fine, qu’est-ce qui différencie THE AUTHORITY du premier groupe de terroriste venu ?
Malgré ce sentiment d’inachevé, Warren ELLIS livre du n°1 au n°12 trois histoires prenantes et efficaces, magistralement illustrées par un Brian HITCH au meilleur de sa forme. Pour installer cette équipe au firmament, Warren ELLIS les fait affronter Kaizen GAMORRA qui a décidé de prendre le contrôle de la Terre comme tout bon mégalomane bondien qui se respecte… Démesure, action, violence et bons mots font de ce récit une lecture jubilatoire, qui, malheureusement ne va pas aussi loin que promis.
Les n°4 à 8 proposent quasiment la même trame scénaristique même si celle-ci met en scène une invasion venu d’Albion, une réalité alternative où l’humanité sert de réservoir génétique. La méthode utilisée par le shaman pour éradiquer la menace -à savoir figer la rotation de la terre pendant une microseconde pour que la Sicile, siège du pourvoir d’Albion disparaisse- est typique de la patte de Warren ELLIS. Mais elle est dérangeante en raison de ses implications morales : en avaient-ils le droit ? A aucun moment les personnages de Warren ELLIS ne paraissent gênés par les implications morales de leurs actes… Vive les super fachos…
Le règne de Warren ELLIS sur cette série va s’achever dans les 4 n° suivants où ils affrontent ni plus ni moins Dieu, au détriment de Jenny SPARKS qui y perd la vie, pour mieux se réincarner par la suite, rassurez-vous… Warren ELLIS quitte ainsi la série au n°12, nous ayant laissé de très bonnes planches aux dialogues inspirés et incisifs où l’humour n’était pas absent, mais aussi la sensation qu’il n’a pas pu ou su exploiter ce diamant brut.
Reprendre THE AUTHORITY après Warren ELLIS avait tout du projet casse-gueule Il est en effet plus facile de reprendre au vol une série agonisante plutôt qu’une série en pleine gloire. Un illustre inconnu -grand breton comme ELLIS et HITCH- va ainsi retrousser ses manches et s’attacher d’être à la hauteur du maître. Et ce sera un coup de maître…
Mark MILLAR, avec le concours de Frank QUITELY va même surpasser Warren ELLIS en révelant les contradictions morales qui empreignent chacune des actions des membres de l’équipe. A la mort de Jenny SPARKS, le flambeau est repris par Jack HAWKSMOORE qui va s’évertuer à rendre publique l’action de THE AUTHORITY en se positionnant comme une force politique au dessus des nations, comme lorsqu’il offre l’asile à tous les réfugiés politiques de la terre. Plus personne n’est à l’abri de leur Loi. Pire, ils vont aussi essayer de fédérer l’ensemble des métahumains de l’univers WILDSTORM autour de leur cause, à la grande irritation des gouvernements terriens…
Une des marques de fabrique de la série était la démesure des situations auxquelles étaient exposés nos héros. Mark MILLAR va poursuivre dans cette vois en leur opposant des forces de plus en plus puissantes. D’une troupe de super villans fortement inspiré par les équipes de Marvel (X-men, The Avengers, Shied…) à la Terre elle-même, Mark MILLAR arrive toujours à nous surprendre et en faisant exploser – atomiser plutôt- le stéreotype du superhéros propre sur lui (extrait d’un dialogue de MILLAR : Quelles sortes de super-héros sentent l’alcool ? Les dangereux…).
Malheureusement, les meilleures choses ont une fin et la série, malgré son succès va s’arrêter au n° 29. Après leur combat contre la terre qui a obligé THE AUTHORITY à organiser l’évacuation de la planète entière, l’ensemble des gouvernements mondiaux prennent peur du pouvoir de cette équipe. Bien décidés à les éliminer, ils dépêchent SETH, une arme absolue biologique dotée de 40 000 super-pouvoirs différents qui défait, comme de bien entendu l’équipe… La nature ayant horreur du vide, ceux-ci sont remplacés par THE NEW AUTHORITY, agents à la solde du pouvoir politique et économique en place.
Chaque nouveau personnage est le reflet perverti des membres de l’ancienne AUTHORITY. Jack HAWKSMOORE est ainsi remplacé par THE STREET, un rappeur new-yorkais contrôlant la terre, FLINT par the RUSH, une pilote de chasse canadienne, THE ENGINEER par une asiatique prénommée THE MACHINE, THE DOCTOR par un français appelé THE SURGEON et APPOLLO et MIDNIGHTER respectivement par TEUTON et LAST CALL. Cette équipe est dirigée par un ex-footballeur britannique mariée à une pop-star : THE COLONEL.
Evidement, l’altruisme qui animait la première équipe n’est pas au rendez-vous. Il s’agit de protéger les intérêts du pouvoir (tant économique que politique) et seulement cela. Ils sont décrits par MILLAR, puis par Tom PEYER comme une bande d’abrutis pervers et dangereux qui n’hésitent pas à éliminer les réfugiés politiques accueillies par la précédente équipe (quelques centaines de milliers tout de même…).
L’ancienne équipe, torturée par des séides gouvernementaux retrouvent sa liberté pour éliminer SETH et leurs « remplaçants » avant de laisser l’humanité décider elle-même de son destin face à the Bleed… Cet arc (n° 22 et 27 à 29) dessiné par Arthur ADAMS est un régal pour les yeux et est bourré de référence qui feront plaisir au fan hardcore de comics. Même l’arc interstitiel réalisé par Dustin NGUYEN (n° 23 au 26), quoique graphiquement plus faible se laisse lire grâce à la causticité du scénario de PEYER. Le plus intéressant dans cette partie de la série est de voir comment THE AUTHORITY est confronté aux conséquences de leur acte et comment ils y répondent d’une façon très personnelle dont je vous laisse la surprise…
C’est au n°29 que s’achève ainsi une des séries les plus intéressantes en maitière de comics de ces dernières années. Même si celle-ci peut s’avérer dérangeante à la vue des termes abordées et de par leur traitement, n’hésitez pas à y jeter un œil, vous ne pourrez qu’être conquis.