L’escadron Suprême

Joe Michael STRACZYNSKI est l’heureux créateur de la série télé culte « BABYLON V », le scénariste reconnu de RISING STARS, de MIDNIGHT NATION, et l’instigateur du renouveau de SPIDER-MAN. A cette liste vient de s’ajouter une nouvelle ligne. Il est le premier dont la série, publiée dans un label adulte, s’est classée tout en haut des tableaux de ventes grâce à son nouveau bébé : SUPREME POWER. Cette série est l’histoire d’un groupe de super-héros traitée, selon STRACZYNSKI, de façon la plus réaliste possible. Cependant, les héros de SUPREME POWER ne sont des créations originales. Ce sont en fait des réinterprétations d’une vieille équipe MARVEL de seconde zone, le SQUADRON SUPREME qui connut son heure de gloire au milieu des années 80.

La première apparition du SQUADRON SUPREME, ou ESCADRON SUPREME en Français, remonte à l’année 1970 dans un épisode d’AVENGERS. Dans cette histoire, quatre Vengeurs débarquaient sur une Terre alternative. Ils y rencontrent une équipe de super-héros qu’ils prennent pour des vilains. Après un combat, le malentendu sera dissipé et les deux groupes s’uniront pour circonvenir à une menace commune. Un synopsis des plus basique et qui se répétera dans la majorité des rencontres futures entre les AVENGERS et l’ESCADRON. Si les deux équipes se fritent si souvent, c’est que l’ESCADRON est fondé sur l’idée qu’il s’agit d’un démarquage de la JUSTICE LEAGUE OF AMERICA du concurrent DC. On y trouve ainsi HYPERION, un extraterrestre dont les origines et les pouvoirs sont calqués sur ceux de SUPERMAN. On a également NIGHTHAWK, une resucée de BATMAN ou encore le Dr. SPECTRUM et le WHIZZER, clones de GREEN LANTERN et de FLASH.

Si lors de leur première apparition, Roy THOMAS, à l’époque scénariste des AVENGERS, essaie malgré tout de sauver les apparences en ne forçant pas trop le trait, les scénaristes suivants vont s’en donner à cœur joie en créant POWER PRINCESS et THE SKRULL, respectivement doubles de WONDER WOMAN et de MARTIAN MANHUNTER. N’oublions pas AQUAMAN, GREEN ARROW, BLACK CANARY, HAWKMAN et ZATANNA qui auront eux aussi leurs équivalents dans l’escadron. Les scénaristes ont ainsi à disposition une équipe de faire-valoir puissants, prêt à découdre avec les AVENGERS si le besoin s’en fait sentir. De plus le lectorat adore ces confrontations qui leur fait vivre un cross-over JLA/AVENGERS par procuration.

Mais la grande spécialité de l’ESCADRON reste quand même d’être manipulé par un ennemi, condition sine qua non pour pouvoir se battre avec d’autres héros. C’est ainsi que ses membres furent sous la coupe d’OVERMIND, qui instaura une dictature. Seul HYPERION fut épargné et il appela à l’aide les héros de notre dimension à savoir les AVENGERS et les DEFENDERS. Après une bataille commune, l’ESCADRON réussit à se soustraire à l’influence du vilain et à le destituer. Le tyran déchu, AVENGERS et DEFENDERS se sont retirés sur Terre, laissant à l’ESCADRON la lourde tâche de rebâtir un monde détruit. Tel est le sujet de la maxi-série THE SQUADRON SUPREME publiée en août 1985 et écrite par le regretté Mark GRUENWALD.

Mark GRUENWALD a bien compris qu’en laissant ces héros dans cette dimension parallèle, il avait toute latitude pour faire tout ce qui n’avait jamais été fait en comic-books. Dans un monde sans repères, les membres du SQUADRON SUPREME décident de profiter de leurs pouvoirs pour véritablement changer le monde. Pour cela, ils s’approprient tous les pouvoirs politiques et lancent le programme UTOPIA. Cette décision fait l’unanimité au sein du groupe, malgré les réserves émises par NIGHTHAWK et AMPHIBIAN. Mais si le second décide de rester, NIGHTHAWK, après avoir renoncé à tuer HYPERION, décide de quitter l’équipe.

Et on n’est là qu’à la fin du premier épisode. Après ce préambule fort dense vont suivre 11 épisodes tout aussi remplis. Voyages dans le temps, morts de héros, trahisons, retournements de situation, double maléfique, grand génie du mal et équipes de vilains, autant d’archétypes des comics-books qui sont compressés en 12 numéros. On ne pourra pas reprocher à l’histoire d’être ennuyeuse. Mais le côté fun de la série n’en n’est pas le principal atout. Derrière les banales histoires de super-héros, GRUENWALD a réussi à placer une réflexion intéressante sur le fascisme et la dictature. Une réflexion qui s’articule autour d’une invention de TOM THUMB, le génie du groupe. Celui-ci a inventé une machine capable de modifier le comportement des gens. Le SQUADRON SUPREME va ainsi pouvoir enrôler des super-vilains, devenus des héros grâce à cette machine… De même, ils réussissent ainsi à enrayer la criminalité. Mais au sein des rangs, la tension monte, d’autant qu’ARCHER NOIR a franchi la ligne jaune en soumettant au modificateur de comportement ALOUETTE, sa compagne qui voulait le quitter afin qu’elle reste auprès de lui. Le pot aux roses découvert, ARCHER NOIR est renvoyé tandis qu’AMPHIBIAN, de plus en plus en désaccord avec les méthodes du groupe, démissionne, non sans avoir détruit le modificateur…

De son coté, NIGHTHAWK organise la résistance face au tout puissant ESCADRON en recrutant des super-vilains, des surhumains inconnus. Il offre même à l’ARCHER NOIR la possibilité de se racheter en entrant dans son équipe. Pour contrer les effets du modificateur, NIGHTHAWK est obligé de s’allier avec MASTER MENACE, le Dr DOOM de ce monde. MASTER MENACE, est à l’origine de l’arrivée d’un double d’HYPERION qui prendra sa place au sein de l’équipe et séduira POWER PRINCESS, réalisant ainsi le vieux fantasme du couple SUPERMAN/WONDER-WOMAN. Lorsque le vrai HYPERION revient, le clash est violent. Personne ne s’en remettra : l’HYPERION original deviendra aveugle, le faux meurt et le Mont Rushmore, théâtre de cet affrontement, un tas de gravas… Mais malgré tout, au bout d’un an d’épreuves, la famine, la criminalité, la guerre, la pauvreté, le chômage et la polution sont vaincus. Seule reste la maladie, mais une parade est trouvée avec l’invention de l’hibernacle, une capsule cryogénique qui permet de conserver un corps le temps de trouver un remède. Son inventeur TOM THUMB est le premier à l’étrenner, emporté par un cancer. Le SQUADRON décide alors de remettre les pouvoirs civils aux hommes politiques, tout en se gardant les domaines de la sécurité et le contrôle du modificateur de comportement. C’est le moment que choisit la cinquième colonne pour frapper…

On a rarement vu pareille hécatombe ! Dans l’épisode final, le SQUADRON et les rebelles s’affrontent dans un combat sans pitié. A la fin de la bataille, on ne comptera pas moins d’un blessé grave et de six morts, dont NIGHTHAWK. Avant de mourir, il tente une dernière fois de faire entendre raison à HYPERION. Il lui explique que si le but poursuivi par le SQUADRON est louable, ses membres ne sont pas éternels et que même si eux sont décidés à utiliser leurs pouvoirs pour la bonne cause, il n’en sera peut-être pas de même pour leurs successeurs. Convaincu par les derniers mots de son ami, HYPERION décide de mettre fin au programme UTOPIA. On a souvent accusé les super-héros de véhiculer une idéologie fasciste. GRUENWALD a pris cette idée reçue au pied de la lettre. Son histoire nous interroge sur le pouvoir et la liberté. Notre recherche du bonheur peut-elle se faire au prix de notre liberté ? Par la pertinence de son discours, par sa violence également, inhabituels dans un comic-book mainstream de l’époque, SQUADRON SUPREME se place dans la mouvance des œuvres plus matures qui fleurissent en ce milieu des années 80 telles que WATCHMEN ou DARK KNIGHT RETURNS. S’il n’a pas eu le même impact que ces autres titres, c’est sans aucun doute dû au manque d’ambition graphique. Bob HALL et Paul RYAN ne sont malheureusement pas Dave GIBBONS ou Frank MILLER.

A l’issue de cette maxi-série, le SQUADRON se retrouve avec un effectif réduit qui va encore diminuer à l’occasion du Graphic Novel DEATH OF A UNIVERSE où le fils d’ARCANNA se révèle être une menace et envoie les membres du groupe sur une planète, où ils seront accueillis par QUASAR, un super-héros dont la série régulière est écrite par… Mark GRUENWALD. Le SQUADRON combattra de nouveau les AVENGERS avant de pouvoir revenir dans leur monde où a pris place une nouvelle dictature basée sur le culte d’un de leur coéquipier décédé légèrement facho, BLUE EAGLE. Pour faire preuve d’originalité, le scénariste décide de virer la moitié de l’équipe qui avait réussi à évoluer loin de son modèle, pour faire revenir AMPHIBIAN, le SKRULL et un nouveau NIGHTHAWK, recomposant ainsi une pale copie de la JUSTICE LEAGUE OF AMERICA. Depuis, l’équipe est de nouveau tombé dans l’oubli. Mark GRUENWALD, depuis, s’est éteint avec comme dernière volonté de voir une partie de ses cendres mêlée à l’encre de la première édition du trade paperback de cette maxi-série qu’il considérait à juste titre comme son chef d’œuvre…

Posted on janvier 22, 2004 at 22:32 by Stephane · Permalink
In: Marvel