Sergent Rock : Between Hell and a Hard Place
Sergent ROCK : Between Hell and a Hard Place est un graphic novel publié chez Vertigo, relatant une aventure inédite du Sgt. Rock et de la Easy Company. Pour vous raconter la génèse de cet album publié en hardcover, le mieux placé est Joe Kubert, dessinateur de l’ouvrage et vieille connaissance du sergent. Voici donc une traduction de sa préface publié dans l’album original :
« Ce livre contient un grande part de ma vie.
Mon premier contact avec le sergent Rock eut lieu il y a 50 ans, dans le début des années 50. J’étais depuis peu libéré de mes obligations par l’armée (la guerre de Corée), et je me réadaptais à la vie civile en tant que dessinateur. J’ai toujours eu de la chance et l’emploi n’a jamais été un problème. Ce n’est toujours pas le cas, Dieu merci. En tant qu’indépendant, j’ai couvert tout le terrain, déménageant d’une maison d’édition à une autre.L’un de ces transferts me mis en contact avec Bob Kanigher, alors l’un des principaux éditeurs chez DC Comics. Bob était responsable de la ligne de comics de guerre.
Bob et moi nous entendions plutot bien. J’aimais son écriture et il semblait satisfait de la façon dont j’illustrais ses histoires. Et le plus important, c’est que les lecteurs appreciaient nos efforts collaboratifs.Le jour où Bob me tendit un script mettant en scène un personnage nommé Sgt. Rock n’avait pas de signification particulière pour moi – ou pour Bob. Juste une autre histoire de guerre sur un soldat Americain. Je ne pense pas qu’aucun de nous eut rêvé que cinquante ans plus tard le Sgt. Rock soit toujours dans les parages.
Le Sgt. Rock alluma une étincelle d’intéret chez le lecteur. Il devint rapidement la star de chaque numéro de OUR NATION AT WAR et fut finalement promu vers une série intitulée SGT. ROCK. Il devint l’un des personnages les plus endurants, apparaissant tous les mois pendant plus de trente ans.
Lorsque Bob tomba malade, on me demanda de reprendre ses rênes éditoriales. Bob continua d’écrire les histoires du Sgt. Rock (accompagnié de nombre de mes efforts d’écriture) sous mon contrôle éditorial. Au bout d’un moment, à cause de mes responsabilités éditoriales, je ne pouvais plus illustrer les histoires. Personne ne s’en plaint, pourtant. Pas avec de fantastiques artistes comme Russ Heath, Doug Wildley, George Evans, Irv Novick, Dan Spiegle, et d’autres encore qui se chargeaient d’honorer le rôle.
Bob et moi connaissions tous deux l’importance de développer le Sgt. Rock en personnage fort et crédible. Pas une version bi-dimensionnelle en papier, mais une ayant de la profondeur et de la substance. Au bout d’un moment, le Sgt. Rock eut une vie propre. Il y avait certaines choses qu’il pouvait faire, et d’autres non. Ce n’était pas quelqu’un qui prenait du plaisir dans la guerre – ou le fait de prendre des vies.Il partageait un lien imbrisable avec Ice Cream Soldier, Little Sure Shot, Bulldozer, Wildman, tous les hommes de la Easy Company. Et ils lui faisaient confiance. Il était leur Rock.
Après une longue et heureuse relation avec DC, je suis parti m’occuper d’autres projets. Il y avait d’autres choses que j’avais envie de faire. J’ai fait des graphic novels, fait des strips dans les journeaux, créé une école. Bob nous quitta il y a deux ans et mes engagements dans d’autres projets me fit placer le vieux sergent dans ma corbeille personnelle de souvenirs poussiéreux.
Pis un jour, j’eus un coup de fil de mon amie Karen Berger, editrice de la ligne Vertigo de DC Comics. “Joe, on a l’intention de publier un serie en douze numéros avec le Sgt. Rock. On adorerait que tu fasses les couvertures. Qu’est-ce que t’en dis ? “
Et ben, j’étais plutôt incertain. Peut-être que ce concept du Sgt. Rock serait différent de celui que je connaissais. Je posai beaucoup de questions et je ne sais comment le sujet devint “Joe, serais-tu interessé de faire le bouquin ?”
“Non, je ne pense pas, Karen ; mais – si c’était un graphic novel. Un vrai livre cartonné ?…”
OK. Cela ferait au moins 140, 150 pages. Qui l’écrirait ? Pas moi. L’illustration prendrait plus d’un an, plus le lettrage et les couleurs. Alors qui serait l’auteur ?”
“Brian Azzarello.”
J’avais lu et admiré le travail de Brian pour Vertigo (100 Bullets, Hellblazer et d’autres), et la suggestion de Karen qu’il écrive le livre était parfaite. Brian et moi nous rencontrâmes et parlâmes avant qu’il s’engage dans l’écriture du script. L’intrigue me paraissait super. De façon a porter l’histoire clairement, je décidai d’organiser mes pages en une simple grille trois-tiers.Trois rangées de cases. Pas de découpage bizarre des pages avec des cases aux bordures éclatées. Rien qui puisse obstruer la clareté pour le lecteur ou le cours de l’histoire.
Brian a donné une nouvelle vie aux gars de la Easy. Une crédibilité que Bob et moi sentions qu’ils devaient avoir. On me donna toute responsabilitépour le graphisme – le dessin, le lettrage, les couleurs et leur séparation. Pour le meilleur et pour le pire, ce livre est la vision que j’ai eue de l’histoire de Brian.
Bob Kanigher était un superviseur sévère. Il demandait efforts et qualité de ceux qui travaillaient avec lui. Je pense qu’il serait content de ce livre.
Si quelqu’un m’avait dit il y a cinquante ans que j’aurais l’opportunité de faire ceci, je ne l’aurais jamais cru.
Mais voilà. »
Voilà donc la forêt de Hürtgen en Novembre 1944. Une forêt enneigée, au sol dur comme de la pierre, aux arbres pillonés par les mortiers allemands et aux éclats mortels. Les soldats s’y livrent à un jeu de massacre, se surprenant mutuellement au détour d’un bosquet. Tous meurent de froid et creusent des trous pour se protéger du froid et des shrapnels de bois. Il est courant que des sous-officiers se retrouvent à la tête de leur companie, faute de supérieurs encore en vie. Les équipes sont alors réparties au hasard des rencontres. Pour l’une de ces companies décimées les renforts arrivent : ils rejoignent la Easy Company.
Les voilà donc sous le commandement du Sgt. Rock. Un homme de guerre, dont les hommes iraient jusqu’en enfer si tels étaient ses ordres. Après tout l’enfer ne peut pas être pire que cette foret. Ensemble, ils capturent un groupe d’officiers SS. Tandis qu’ils sont séparés, ils perdent un officier, et les autres sont tués mystérieusement. Par qui ? Un homme de la Easy ? Mystère… Toujours est-il qu’ils doivent rattraper l’officier manquant, réfugié dans une bourgade bien gardé par les Allemands. Au menu : des embuscades, des tireurs d’élite et une rencontre au somment entre Rock et l’officier autour d’un verre et d’un femme brune.
Vous l’aurez compris, l’ambiance est beaucoup plus proche de la série TV Band of Brothers (mettant en scène la vraie Easy Company à Bastogne dans des conditions similaires) que de Papa Schultz. Une restranscription du quotidien de la guerre, de la camaraderie des soldats, et de la violence des combats. Les dessins de Kubert sont gras mais sobres, laissant la place à l’histoire d’Azzarello, une histoire poignante et réaliste.
Un album à posséder et à conserver dans sa bibliothèque. Le Spielberg du comics de guerre.