The Crossovers

En France, l’avantage en matière de comics, c’est que tout n’est pas publiable. Le marché est restreint et les éditeurs sont amenés à faire des choix dans les séries qu’ils adaptent, aidés en cela par les délais de traduction qui leur permettent de voir comment évolue le titre. Après la déconfiture des magazines CrossGen chez Semic, on n’aurait jamais dû voir en France THE CROSSOVERS, qui a été annulé au bout de neuf numéros. En fait, dans le cas présent, c’est uniquement la présence du dessinateur Mauricet qui a motivé l’adaptation française de ce titre.

Alain Mauricet est un dessinateur belge qui a fait ses premières armes au sein du Journal de Spirou. Parmi ses créations, on citera notamment celle de COSMIC PATROUILLE avec Laurent Janssens. Fan de comics, Mauricet se livre à une parodie des super-héros les plus célèbres comme Batman, Superman ou Spider-Man. En parallèle, il collabore avec le fanzine SCARCE où il y rencontrera les futurs rédacteurs de Semic. Alors qu’il mène une carrière française dominée par les albums LE ROULEAU DE KRAAN et la série des MORTS DE TROUILLE chez Casterman, il entame son aventure américaine par une commande d’un album à colorier de la série animée BATMAN. Cet album de coloriage ne verra finalement pas le jour. Son second travail pour le marché américain sera TALES OF TELLOS 4, une collection inaugurée par un autre auteur francophone, Didier Crisse, la principale source d’inspiration de Mauricet. Mauricet se retrouvera sur ce projet grâce aux bonnes œuvres de Semic. Après quelques pages d’ADVENTURES OF SUPERMAN 598 ; il se voit confier par CrossGen la série CROSSOVERS, deuxième titre du label Code 6 et création du scénariste Robert Rodi.

Robert Rodi est un romancier originaire de Chicago. A son actif, il compte 7 bouquins dont l’adaptation en roman de « The Birdcage », le remake américain de notre Cage aux Folles nationale et « What they did to Princess Paragon », une satire de l’industrie des comics. Grâce à se carrière de romancier, il parvient à proposer des scripts au label Vertigo. Une certaine revanche pour lui puisque son c.v en matière de comics se limitait à une courte histoire publiée dans EPIC ILLUSTRATED dans les années 80. Après la série limitée FOUR HORSEMEN, diverses histoires dans des anthologies et l’échec de CODENAME KNOCKOUT, il débarque chez CrossGen avec le concept d’une famille où chaque membre mène une vie secrète et représentative de différents univers populaires.

La famille Crossovers comprend 4 membres, vivant dans une banlieue de classe moyenne fort à propos appelée Crosstown. Le père, Carter, est un scientifique qui a acquis des super-pouvoirs et est devenu le super-héros Archetype. Son épouse, Calista, est une chasseuse de vampires, perpétrant ainsi la tradition de sa famille. Ce couple à l’apparence modèle a deux enfants. Cris, une jeune adolescente à l’allure intello qui se transforme en princesse guerrière dans une dimension d’Héroïc-Fantasy dont l’entrée se trouve dans la cave de la maison et Clifford, jeune garçon rebelle qui a été enlevé par des Aliens et qui est devenu leur collaborateur dans leur plan d’invasion de notre bonne planète. Le tableau est complété par le toutou de la maisonnée, Cubby, qui se révélera lui aussi plein de surprises. Le projet de Rodi est de proposer un comics d’humour, genre sinistré où il n’est point de salut hors d’Archie Comics et de quelques titres DC adaptant des dessins animés comme Powerpuffs Girls ou Scooby-Doo. Il est vrai qu’avec un pitch de cet acabit et un dessinateur héritier de l’école franco-belge, l’affaire était bien partie.

Hélas, à la lecture du premier arc de la série, force est de reconnaître qu’on est loin du compte. Si Mauricet s’en sort avec les honneurs, ce n’est pas le cas de son scénariste. Celui-ci a visiblement du mal à trouver le ton adéquat. Sa première histoire, qui nous présente les héros, leur univers et surtout leurs ennemis, se prolonge sur 6 numéros, alors qu’elle aurait gagnée à être beaucoup plus ramassée pour profiter de l’ambiance survoltée que les situations induisaient. Au lieu de cela, le scénario s’étire, diluant les chiches situations drôles. Le plus gros reproche qu’ont pourrait, en effet, faire est que Rodi a créé la première série humoristique pas drôle ! Il aborde ses personnages et son intrigue de façon bien trop sérieuse et premier degré. Un épisode de CAPTAIN MARVEL par Peter David se révèle souvent bien plus comique. Seul Cliff et ses aliens pas bien adapté à la vie sur Terre arrivent à arracher des sourires indulgents au lecteur. Pour le reste, la barque est mené avec un sérieux inébranlable jusqu’à la conclusion qui, en elle-même, est efficace, mais perd tout son intérêt pris dans l’ensemble de l’arc. Trop sérieuse pour être une série d’humour, CROSSOVERS ne peut non plus se prévaloir du titre de série réaliste à cause du graphisme trop typé de Mauricet. Le cul entre deux chaises, le titre ne parvient donc pas à susciter l’intérêt.

CROSSOVERS n’a pas non plu convaincu le lectorat américain. La série s’est arrêtée au numéro 9. Entre temps, Mauricet avait laissé sa place au vétéran Joe Staton pour les trois derniers épisodes. Ceux-là, en revanche, ont peu de chances de paraître un jour dans nos vertes contrées. En tout cas, la malchance poursuit Robert Rodi puisque après l’arrête de la série ELEKTRA, il vient de quitter la série régulière ROGUE au profit d’un autre transfuge de CrossGen, Tony Bedard.

Posted on décembre 13, 2004 at 22:52 by Tony LETROUVÉ · Permalink
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